Intervention etats generaux famille II du 27 11 05

LA REFORME DU DIVORCE

RAPPEL DES NOUVEAUX CAS DE DIVORCE ET DE LA PROCEDURE PARTICULIERE DU CONSENTEMENT MUTUEL :

Quatre cas de divorce sont maintenus à l'art. 229, les appellations sont ressemblantes au droit antérieur, mais les transformations de chacun de ces cas de divorce sont telles que la carte de 2004 n'a plus rien à voir avec celle de 1975.

Le plus nouveau des cas de divorce est:

I- LE DIVORCE POUR ALTERATION DEFINITIVE DU LIEN CONJUGAL:

Il est censé remplacer le divorce pour rupture de la vie commune, or en réalité, il est radicalement différent de la procédure que nous connaissons car les modifications sont très importantes, tant au regard de ses conditions que de ses conséquences.

Le législateur de 2004 n'a pas choisi d'assouplir le régime très protecteur du divorce pour rupture de la vie commune; il a au contraire voulu instaurer un droit au divorce sans contre parties spéciales.

L'art. 238 al 1 pose deux conditions qui ne sont que des conditions objectives: il faut avoir cessé de vivre en commun, et ce depuis deux ans.

Pour caractériser la première condition, la circulaire du Garde des Sceaux du 23/11/2004 vise une séparation résultant d'une volonté commune ou de l'initiative d'un seul époux.

Il y a donc un élément matériel à caractériser: la cessation de cohabitation et un élément psychologique: la volonté de rupture; par exemple le simple éloignement professionnel ne suffira pas, il faudra démontrer en outre, que l'un des époux a véritablement manifesté sa volonté de rupture.

Le délai de deux ans doit être acquis lors de l'assignation en divorce, et non plus lors du dépôt de la requête initiale en divorce pour rupture de la vie commune.

Ce délai doit avoir été continu, il est préfix, d'où un devoir d'information du client sur une éventuelle réconciliation temporaire, même de courte durée.

Le juge ne peut relever d'office le moyen tiré du défaut d'expiration du délai de deux ans, sauf en cas de défendeur non comparant. (art. 1126 du D)

Le divorce pour altération des facultés mentales et la clause d'exceptionnelle dureté sont abrogés.

Les conséquences du divorce pour altération définitive sont désormais soumises au droit commun, il n'y a plus de devoir de secours, plus de droit automatique au nom d'épouse, plus d'impossibilité pour l'époux demandeur de solliciter une prestation compensatoire.

Il restera donc à l'époux défendeur le droit commun, c'est à dire:

•  la demande de prestation compensatoire classique

•  la demande de dommages et intérêts fondée sur les conséquences d'une particulière gravité, prévue à l'art. 266 (attention, pour invoquer cette disposition il ne faut pas avoir formé de demande reconventionnelle en divorce.)

•  ou la demande de dommages et intérêts de droit commun fondée sur 1382, moins restrictive.

II- LE DIVORCE POUR FAUTE:

La nouvelle rédaction de l'article 242 a exactement la même signification que l'ancienne.

Donc non seulement ce divorce est maintenu, mais de surcroît, la définition de la faute est inchangée.

A entendre le discours du gouvernement, ce divorce correspondrait uniquement à la situation spécifique des violences conjugales. Or, cela ne ressort ni de la loi, ni du décret.

Aux termes de la circulaire, en revanche, M. PERBEN indique que cette loi, par son esprit "devrait conduire à une exigence plus accrue quant à la gravité des faits susceptibles de justifier le prononcé du divorce sur ce fondement."

Dans l'attente de l'évolution éventuelle de la jurisprudence, nos devrons donc rester vigilants sur le risque de rejet plus important des griefs soutenus.

Mais dans la mesure où ni la loi ni le décret ne modifient la définition de la faute, ce divorce ne devrait pas être prononcé qu'en cas de violences ou de graves humiliations;

Aux magistrats donc d'y veiller, et à nous d'insister dans notre argumentation factuelle et juridique.

Dans le souci de la séparation étanche entre causes et conséquences du divorce, le législateur a abrogé la cause péremptoire de divorce pour condamnation à une peine afflictive et infamante et a instauré la recevabilité d'une demande de prestation compensatoire formée par l'époux divorcé à ses torts exclusifs.

Sont en revanche maintenues les dispositions sur la réconciliation, le non énoncé des griefs (qui n'est plus prévu à l'art. 248-1 mais à l'article 245-1) , les torts exclusifs, les torts partagés et les excuses.

III- LE DIVORCE POUR ACCEPTATION DE LA RUPTURE DU MARIAGE:

Ce divorce est profondément modifié par rapport au divorce demandé par l'un et accepté par l'autre, et ce, dans le sens d'une avancée positive puisqu'il est plus simple dans son formalisme, totalement détaché de toute notion de torts et plus sûr pour l'époux demandeur.

Il est beaucoup plus attractif et nous devrions y recourir plus souvent, particulièrement pour la première étape, avant passerelle éventuelle vers un consentement mutuel.

Ce divorce (art 233) peut être introduit par une requête conjointe;

Il ne fait plus référence aux torts (partagés).

Il est débarrassé du formalisme pesant du double aveu et de la production des mémoires.

Il ressort de son nouveau formalisme (art. 1123 du D) que nous avons plusieurs options:

•  soit les déclarations d'acceptation des deux époux sont jointes au dépôt de la requête conjointe

•  soit un PV consignant l'acceptation des deux époux sera dressé par le JAF le jour de l'audience de conciliation

•  soit une déclaration d'acceptation sera annexée à des conclusions en cours d'instance, après l'assignation

L'acceptation signée à l'audience de conciliation lie la cause du divorce, ce qui obligera à assigner ensuite sur le fondement de l'art. 233.

Cette acceptation a aussi un caractère définitif (pour mettre un terme, selon le gouvernement à des manœuvres dilatoires), avec bien sûr la réserve de la procédure de droit commun pour vice du consentement.

En raison de ces conséquences, la profession a obtenu, du moins pour ce cas de divorce, la présence obligatoire de l'avocat aux intérêts de l'époux défendeur, dès l'audience de conciliation.

Le décret d'application précise que la convocation à l'audience de conciliation vise expressément l'assistance obligatoire d'un avocat afin de pouvoir accepter le principe de la demande en divorce.

IV – LE DIVORCE PAR CONSENTEMENT MUTUEL ET SA PROCEDURE:

C'est l'ex divorce sur requête conjointe.

L'audience est unique, le formalisme se résume à deux actes, une requête et une convention.

A première vue donc, la réforme allège la rédaction et accélère le rythme.

Mais sous cet aspect d'apparente simplification, excepté pour les cas très simples de couples sans enfant ni patrimoine, cette réforme va conduire à une densification du rôle préparatoire de l'avocat.

Quant à la rapidité gagnée en fin de procédure, elle se compensera avec l'allongement de la période préalable à l'audience.

L'obligation d'attendre 6 mois post mariage pour pouvoir divorcer par consentement mutuel est judicieusement révolue.

Est maintenue en revanche l'irrecevabilité de toute demande en divorce par consentement mutuel dès lors qu'un époux est placé sous l'un des régimes de protection prévus aux articles 490 et suivants du cc.

La procédure de consentement mutuel vise:

•  l'assistance des époux par un ou deux conseils

•  une requête ne mentionnant pas les faits à l'origine de la demande

•  la possibilité pour le juge avec l'accord des parties recueilli en présence de leur(s) avocat(s), de supprimer ou de modifier les clauses lui paraissant contraires à l'intérêt des enfants ou à l'un des époux.

•  la possibilité pour le juge de refuser d'homologuer, par une décision d'ajournement en vue de la présentation d'une nouvelle convention avant l'expiration d'un délai de 6 mois. Cette décision doit préciser les conditions d'homologation de la nouvelle convention. Cette ordonnance peut en outre comprendre des mesures provisoires homologuées en application de l'art. 250-2.

Le délai de six mois pour déposer la nouvelle convention est interrompu par l'appel éventuel interjeté dans les 15 jours à l'encontre de la décision de refus d'homologation et de préconisation des modifications.

Le jugement de divorce reste susceptible d'un pourvoi en cassation dont l'effet suspensif ne s'applique pas aux dispositions de la convention homologuée concernant les obligations alimentaires, ni l'exercice de l'autorité parentale.

LA PROCEDURE CONTENTIEUSE ET LA NOUVELLE STRATEGIE DE L'AVOCAT:

Les innovations procédurales majeures obligent à une pratique radicalement différente.

C'est en cela que la réforme, en apparence modestement novatrice, bouleverse en réalité profondément le droit du divorce.

Par voie de conséquence, nous devoir transformer en profondeur notre stratégie de conseil et de défense.

I- L'INTRODUCTION DE LA PROCEDURE :

La requête initiale, présentée par un avocat, est commune aux différents cas de divorce.

Elle n'est pas motivée.

Elle ne vise pas non plus le cas de divorce envisagé ultérieurement.

Le défaut de motivation de la requête est plus qu'une recommandation, c'est une injonction du législateur.

La partie défenderesse devrait donc pouvoir soulever l'irrecevabilité d'une requête exagérément motivée sur les motifs de la séparation ou du divorce.

Cependant, aux termes de la circulaire du 23/11/2004, il est précisé que cette interdiction d'énoncer les motifs du divorce à la requête n'empêche pas les époux dans certains actes ou à l'audience, de porter à la connaissance du juge tous les éléments de droit et de fait susceptibles d'étayer leurs demandes au titre des mesures provisoires.

Cette recommandation est plus ambiguë, de sorte que la jurisprudence aura sans doute son rôle à jouer sur ce point.

Si le cadre procédural du divorce que l'on envisage de choisir ne peut être annoncé à ce stade de la rédaction de la requête introductive, l'avocat du demandeur peut très certainement y faire figurer la proposition d'acceptation relative au divorce accepté.

Il peut même faire mention de l'obligation particulière d'être assisté d'un avocat pour pouvoir accepter le principe de la rupture.

Cela permettrait, en cas d'envoi de la requête par l'avocat antérieurement à l'envoi de la convocation par le greffe, au justiciable défendeur, de bénéficier d'un délai supérieur pour consulter le cas échéant, un avocat. (la convocation par le greffe doit lui être adressée au minimum 15 jours avant l'audience, selon les dispositions en vigueur.)

En ce qui concerne le nouveau cas particulier du divorce pour altération définitive,

A quel moment initier cette procédure?

Quid de la preuve de la séparation?

Quid de la preuve du délai écoulé?

Il va falloir conseiller l'envoi d'une lettre de rupture en RAR par le conjoint ou bien procéder nous même à cette "notification", auprès du défendeur en personne ou auprès de son conseil par courrier portant la mention "officiel".

La preuve du point de départ du délai se fera aussi par tous moyens.

Parce que l'art. 237 prévoit que ce délai doit être acquis désormais lors de l'assignation, nous pouvons conseiller à nos clients, selon les opportunités, de débuter la procédure avant l'expiration du délai de carence, pour gagner le temps obligé du déroulement de la procédure (fixation de l'audience de conciliation, délibéré de l'ONC).

Le conseil de l'avocat sur les modalités de départ du domicile conjugal par le conjoint désireux de le quitter, devra en tout cas évoluer: il ne s'agira plus de recommander uniquement l'autorisation expresse de l'époux, mais d'expliquer le choix qui devient celui de l'époux demandeur au divorce, selon qu'il se place sur le terrain de la faute ou de la séparation.

Parce que l'art. 262-1 prévoit que les effets du divorce peuvent remonter à la date de l'ONC, il s'agira également de conseiller à nos clients d'informer ou bien d'informer nous-mêmes les tiers concernés, au sujet de la situation de séparation des parties, et notamment l'administration fiscale…

II- LA TENTATIVE DE CONCILIATION:

Elle n'est plus l'audience de tentative de ré-conciliation mais celle de tentative d'une conciliation sur le principe du divorce, ainsi que sur ses conséquences.

Elle devient le moment clef du divorce, aussi doit-on mieux s'y préparer.

Au delà de la prise des mesures provisoires organisant la vie séparée, cette audience devient l'occasion d'un débat sur le principe de la rupture et peut donc s'avérer déterminante pour l'orientation de la procédure.

D'où l'intérêt d'avoir préparé les clients à cette question.

Cette audience pourra être suspendue, pour ménager un délai de réflexion aux époux (délai de 8 jours…), ou pour prendre une décision dans un délai de 6 mois au plus, avec prise de mesures provisoires immédiates.

Dès le stade de cette audience, le juge informe les parties qu'elles devront présenter un projet de règlement des intérêts patrimoniaux lors de la phase de l'assignation, sous peine d'irrecevabilité de la procédure, d'où l'intérêt d'avoir préalablement informé le client de l'ensemble de la procédure.

L'art 255 prévoit également un arsenal d'injonctions, laissé à la discrétion du juge, avec un accent particulier placé sur la médiation des parties (sur ce point il s'agit d'une invitation plutôt que d'une injonction puisque l'accord de celles-ci est toujours requis pour effectuer une médiation, mais d'une injonction tout de même, d'avoir à rencontrer un médiateur pour information…).

En préparant le client à cette proposition que le juge risque de lui faire, sa réaction sera plus adéquate au bon déroulement de l'audience de conciliation.

Concernant la résidence des époux, il ne convient plus d'autoriser qu'elle soit séparée mais " de statuer sur les modalités de cette résidence séparée".

Ce, pour tenir compte du fait que cette séparation est déjà d'actualité, en pratique, lorsque les époux se présentent à l'audience de conciliation.

D'où le déclin de l'importance du conseil de ne pas quitter le domicile ou de ne le faire que sur autorisation expresse.

(D'autant que les critères du contenu de la faute s'aggravent avec l'évolution de la société et la volonté du législateur et que par conséquent, l'abandon du domicile conjugal, apprécié selon les circonstances de l'espèce, risque de ne plus être considéré comme une violation grave et renouvelée des obligations du mariage…)

Le JAF doit désormais préciser si l'attribution du domicile conjugal à telle partie sera ou non assortie d'une jouissance gratuite et pourra, le cas échéant, constater l'accord des parties sur le montant de l'indemnité d'occupation. (ce qui permettra d'évacuer bien des litiges actuels).

Le JAF peut désigner la partie qui assurera le règlement provisoire de tout ou partie des dettes du couple.

Il s'agit par conséquent de présenter un état complet et détaillé des dettes.

Dans cette hypothèse, la circulaire recommande au juge de préciser si ce règlement est effectué au titre du devoir de secours ou si celui-ci donnera lieu à récompense dans le cadre des opérations de liquidation de la communauté ou à créance dans le cadre d'un régime séparatiste.

Il s'agira de veiller là aussi à éviter de nouvelles difficultés.

L'Art 255-7, permet aussi au juge d'accorder à l'un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial, si la situation le rend nécessaire.

Cette possibilité est donc dorénavant étendue à l'ensemble des régimes matrimoniaux et non plus seulement aux régimes communautaires.

Il faudra acquérir de nouveaux réflexes pour penser à solliciter de telles demandes.

Selon l'Art 255-8, le JAF peut aussi statuer sur l'attribution de la jouissance ou de la gestion de biens communs ou indivis, sous réserve des droits de chaque époux dans la liquidation du régime matrimonial.

Cela concerne par exemple les résidences secondaires ou la gestion de biens immobiliers, à l'exception des biens propres. D'où l'intérêt, pour soutenir de telles demandes, de fournir un état parfaitement détaillé du patrimoine.

Art 255-9 et 10, le JAF peut désigner tout professionnel qualifié pour dresser un inventaire estimatif ou faire des propositions quant au règlement pécuniaire des époux. Il peut désigner un notaire en vue d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial.

Donc en l'absence de biens soumis à la publicité foncière, le formalisme de la liquidation du régime matrimonial peut faire l'objet d'une convention, que nous avocats, pouvons préparer et soumettre à l'homologation du juge.

Le délai de validité de l'ensemble des mesures prises à ce stade de la procédure passe de 6 mois à 30 mois (pour permettre de satisfaire au délai de 24 mois requis afin d'assigner en divorce pour altération définitive du lien conjugal).

En conséquence,

L'allongement important de ce délai doit nous conduire à être vigilants pour ne pas oublier d'assigner.

Et il ne peut plus y avoir de débat sur l'éventuelle péremption biennale pour assigner.

Mais, attention, la caducité des mesures peut également provenir d'une réconciliation entre les époux; pensons donc à informer également de ce chef…

III- L'ASSIGNATION ET LES DIFFERENTES PASSERELLES

C'est aux termes de l'assignation que le demandeur choisit son cadre procédural.

La réforme a conservé le délai de 3 mois bénéficiant à l'avocat demandeur. A l'expiration de ce délai, la possibilité d'assigner est offerte à l'époux le plus diligent.

Mais ce choix n'est pas définitif, grâce à un système de passerelles de toutes sortes, instaurer pour pacifier encore les procédures.

- il y a la passerelle d'un divorce contentieux vers un divorce par consentement mutuel.

Il existait mais il se voit facilité par la possible présentation d'une convention à tout moment (art. 247)

I faudra donc acquérir les réflexes de cette possible passerelle, même avant la délivrance de l'assignation, même après clôture de la procédure et même en cause d'appel.

- il y a le passage d'un divorce vers le divorce pour acceptation de la rupture. (247-1)

cela nous évitera de recourir à l'ancien 248-1.

Il nous faudra formuler cette demande de façon concordante dans les conclusions respectives des époux et y annexer une déclaration d'acceptation signée des clients, laquelle rappellera que l'acceptation n'est plus susceptible d'appel.

Il y a d'autres passerelles qui découlent du jeu des demandes reconventionnelles:

- et ainsi le passage d'un divorce pour altération définitive vers un divorce pour faute (247-2)

- l'art. 238 al 2 prévoit l'inverse, d'où notre possibilité de ne pas conseiller le client de rester enfermé dans la logique de la faute.

En cas de demande concomitante pour faute et pour rupture irrémédiable, l'art. 246 enjoint au juge de d'abord examiner la demande pour faute. S'il la rejette, il statue sur l'autre demande.

 

LA NOUVELLE PRATIQUE ET LE RESPECT DE LA DEONTOLOGIE , NOTAMMENT EU EGARD AU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE.

Le législateur a voulu à tous prix pacifier le divorce.

Or la pratique des règles qu'il a édictées nous donne aussi la possibilité de faire avancer l'apaisement des rapports entre les futurs ex époux.

Nos règles déontologiques, notre serment, sont des garanties pour nos clients et nos adversaires justiciables de notre professionnalisme, de notre loyauté, et légitimise notre intervention capitale et indispensable.

A nous en conséquence d'honorer, à l'occasion de la mise en application de cette nouvelle loi, nos obligations déontologiques et notamment notre obligation de délicatesse, de conscience, afin de conseiller au mieux nos clients, de défendre au mieux leurs intérêts, de ne pas nuire aux adversaires, et de respecter le contradictoire à l'occasion de la tentative de conciliation.

I- L'OBLIGATION DE DELICATESSE:

- En amont de la procédure:

L'usage, jusqu'ici assez largement répandu, d'adresser au conjoint de notre client, après sa première visite, un courrier incitant au rapprochement, devra naturellement être maintenu, même si la procédure par consentement mutuel est devenue par certains points plus compliquée sur un plan pratique, et même si elle débute plus tardivement, ce qui risque d'impatienter nos clients.

Il y aura lieu, le cas échéant, d'ajouter la mention de la possible introduction d'un divorce par requête conjointe dans le cas d'un accord sur le principe mais non sur les conséquences, ainsi que la mention de la présence obligatoire d'un avocat dans le cas d'une acceptation sur la demande de divorce adverse.

Un autre courrier éventuel de l'avocat dont le contenu doit faire preuve de délicatesse, est celui de la "notification de la rupture" dans le cadre d'un divorce pour altération définitive, lorsque l'on aura besoin de caractériser ainsi le point de départ du calcul du délai de carence de deux ans. (cette notification pourra également se faire par courrier RAR du client ou par lettre officielle entre avocats).

Mais même empreinte d'une grande délicatesse, cette lettre risque de générer un grand sentiment d'injustice à son destinataire.

C'est pourquoi nous devrions accompagner immédiatement cette lettre d'une proposition de réglementation des rapports entre époux et de la situation des enfants pour la durée de la procédure, proposition officieuse dans l'hypothèse du courrier au confrère.

- lors du dépôt de la requête:

La requête contentieuse uniformisée ne doit pas contenir, sous peine d'irrecevabilité, les motifs de la rupture.

Il ne sera donc plus possible d'exacerber le conflit du fait des précisions actuelles de certains confrères, plus ou moins exactes, qui étaient souvent contenues dans les requêtes initiales.

Il ne s'agit évidemment pas en pratique de détourner cette interdiction légale par la production d'attestations ou de pièces relatives aux griefs au stade de la tentative de conciliation, que ce soit pour suivre la volonté du client ou pour tenter d'influer sur la décision du juge.

La requête ne doit pas non plus viser le type de divorce ultérieurement envisagé.

La seule exception pratique concerne le divorce pour acceptation, en effet, dans la mesure où l'époux défendeur peur formuler son acceptation au stade de la tentative de conciliation, à condition d'être assisté d'un avocat, nous devrions insérer dans nos requêtes cette hypothèse et cette condition.

La requête contient en revanche les demandes formées au titre des mesures provisoires ainsi qu'un exposé sommaire des motifs.

Il est en effet normal, alors que l'audience de conciliation devient plus lourde de conséquences, alors que les mesures provisoires deviennent plus nombreuses et plus variées, que le contenu de la requête puisse permettre de mieux se préparer à ce passage renforcé.

Un effort de pacification devrait nous conduire à formuler des propositions raisonnables, afin, le cas échéant, de parvenir à un accord que l'on pourra faire homologuer par le juge dans le cadre de l'art. 268 permettant l'homologation d'une convention réglant tout ou partie des conséquences du divorce, même dans le cadre d'un divorce contentieux.

II- L'OBLIGATION DE CONSCIENCE:

Parce que la réforme accroît nos prérogatives et nos devoirs, notre responsabilité professionnelle du fait de manquements à notre obligation de conseil en ressort accrue.

Cette obligation est ainsi renforcée, notamment lors de la rédaction d'actes que nous sommes désormais appelés à opérer, ou lors de la vérification du consentement de nos clients à divorcer de façon consensuelle car l'audience devient unique, ou encore lors de l'explication des conséquences de l'acceptation du divorce.

- Il faut en effet veiller à ce que le consentement en faveur d'une procédure par consentement mutuel ne soit pas extorqué à l'un des deux époux.

Mais il faut également que ce consentement soit éclairé sur toutes les conséquences de ce divorce, ce qui suppose un travail d'information très complet.

Si l'on accepte d'être l'avocat commun d'époux ayant des intérêts particulièrement contradictoires, alors le devoir de neutralité, de conseil juste entre ces intérêts divergents et d'informations totales, doit atteindre son paroxysme.

- l'acceptation art. 233 n'étant pas susceptible de rétractation, et cette acceptation liant la cause du divorce, notre devoir de conseil sur ce point est primordial, ce qui explique la novation de l'obligation d'un avocat en défense.

- concernant le cas particulier de l'article 220-1 qui se voit ajouter un alinéa 3, instituant des mesures urgentes appropriées, pouvant être ordonnées avant l'engagement d'une procédure de divorce et indépendamment de celle-ci,

Il attribue au JAF la possibilité de prendre des mesures provisoires valables 4 mois, sur l'attribution du domicile conjugal à l'époux victime des violences, sur l'autorité parentale et sur la contribution aux charges du mariage.

(au delà de ce délai les mesures deviennent caduques si aucune procédure n'est engagée)

Le dispositif actuel des mesures urgentes (art. 257) n'a pas été modifié; il permet toujours, à l'époux demandeur, d'être autorisé à résider séparément en compagnie des enfants, le cas échéant.

(il était certes bon de conserver cette autre faculté procédurale car la meilleure protection de la victime passe souvent par le départ du domicile conjugal, sans laisser d'adresse ni d'annonce judiciaire de ce départ).

Mais si la procédure ancienne permet d'obtenir une ordonnance hors le contradictoire, la procédure nouvelle parallèle s'introduit par assignation en référé.

La circulaire vise même une communication de la procédure au Ministère public.

Il était en effet évident, vu l'importance des nouvelles mesures pouvant être ordonnées, que cette procédure soit contradictoire.

III- LE RESPECT DU CONTRADICTOIRE LORS DE LA TENTATIVE DE CONCILIATION.

Vu le nombre et l'importance des mesures prévues à l'art. 255, c'est sans doute à ce stade que l'on gagnera ou non le dossier.

En conséquence, le principe du contradictoire devrait désormais se renforcer.

La pratique démontre que les adversaires comparant en personne ne reçoivent pas systématiquement les conclusions ou les courriers les informant des demandes formées à l'audience (ce qui ne pourra plus être grâce à la nouvelle loi), ou qu'ils les reçoivent tardivement, ou qu'ils ne sont pas destinataires des pièces, ou qu'il n'en prennent même pas connaissance dans l'antichambre du cabinet du juge.

Lorsque deux avocats se donnent la réplique, les pièces sont souvent communiquées tardivement, or, cette audience étant notamment celle permettant l'obtention d'aliments après plusieurs semaines d'attente du fait de l'encombrement de la justice, la partie demanderesse ne peut se permettre de solliciter un renvoi et doit accepter l'audience sans examen complet du dossier et sans recul.

La pratique des notes en délibéré, ou des notes sur les côtes de plaidoirie non communiquées et non évoquées lors de la plaidoirie, tolérées sous prétexte de l'oralité des débats, doit cesser ou à tout le moins diminuer.

Ces modifications nécessaires de notre pratique feront que nos clients seront mieux défendus, que nous, avocats spécialistes en droit de la famille seront mieux considérés par l'ensemble de la profession et par les magistrats.

Ces derniers devraient également davantage veiller à la police du contradictoire, lors de la tentative de conciliation et lors de la phase l'ayant précédée.

Marie-Pierre LAZARD

Avocate au Barreau de NICE


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